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Valérie Cossy




Cette contribution a pour but d’interroger le sort de la lecture romanesque telle qu’elle est représentée dans quelques romans de femmes de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Comme Margaret Cohen l’a montré dans le cadre de l’histoire du roman réaliste français, une rhétorique anti-sentimentale discréditant ostensiblement lectrices et autrices a été utilisée pour légitimer le genre romanesque dans le champ littéraire français par Balzac, Stendhal et Flaubert (cf. The Sentimental Education of the Novel - autrices nommées/discutées dans cet ouvrage).

Dans la perspective des études genre, nous nous intéresserons prioritairement à des autrices qui ont elles-mêmes trouvé problématiques les assignations du féminin dans le champ littéraire et qui ont tenté de préserver pour la romancière son accès à la Littérature au sens artistique et universel du terme. C’est dans ce contexte que nous inscrivons l’évolution de la figure de la lectrice romanesque dans les œuvres d’Isabelle de Charrière et de Jane Austen, évolution qui va de sa présence rayonnante et impertinente (Le Noble, Northanger Abbey) à sa disparition pure et simple.

Chez Charrière, on finit par décréter que les romans sont néfastes pour les lectrices (Trois femmes) voire on se demande s’il ne vaudrait pas mieux que les femmes ne lisent plus du tout (Sainte Anne). Chez Austen, les lectrices de romans se mettent à ressembler aux caricatures dénoncées par les moralistes et les "grands romanciers" (Lydia Bennet ou Harriet Smith), alors que les héroïnes "sérieuses" lisent tout sauf des romans: Hamlet, la poésie de Scott et des traités d’esthétique du paysage pour Marianne Dashwood, des récits de voyage et des poètes pour Fanny Price, rien du tout pour Emma, des essais en prose et des poètes romantiques pour Anne Elliot. Nous prévoyons de confronter cette évolution de la figure de la lectrice chez Austen et Charrière avec sa représentation dans d’autres romans de la même époque, en tenant compte, notamment, des travaux de Jean Mainil (Don Quichotte en jupons).

Enfin, nous nous demanderons si la disparition de la lectrice romanesque dans les œuvres de Charrière et Austen ne constitue pas le geste paradoxal par lequel elles tentent de fonder un "grand" roman au féminin, la riposte silencieuse et obligée aux propos de plus en plus déterministes et tapageurs des détracteurs des romancières et de ceux qui prétendent les contenir dans un sous-genre "féminin".




SvD, February 2009




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