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Critics interpreting Riccoboni



Madame Riccoboni discute, dans ses romans, des éléments importants de la vie des femmes, mais s’exprime parfois avec une sorte de prudence, qui a pu empêcher que ses coups portent, de façon visible du moins dans les comptes rendus de la presse française. Car n'est-ce pas une réaction aux "coups" que ces vers élogieux publiés par le Mercure de France en avril 1763 (p. 36-7):

[..] Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous sommes
Nous reprocher ses chagrins, ses malheurs;
Mon visage bientôt est baigné de ses pleurs:
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.

Il est possible d'y voir de l'ironie, notamment vers la fin:

Tendre Riccoboni, tout par toi nous enchante;
Notre félicité devient plus touchante;
Nos malheurs bien moins accablants,
Dès que c'est ta voix qui les chante.

Cette ironie est tout de même signe de réception des "coups" portés, ou plutôt signe d'un refus de les ressentir. L'efficacité de la stratégie - si c'en est une - de Marie-Jeanne Riccoboni, peut être mise en doute.

Les refus Riccoboniens, discutés ailleurs dans ce site, n'ont pas tous été reconnus comme tels. Cette non-reconnaissance a pu mener à une adaptation non argumentée de la part de journalistes rendant compte du roman.

Dans leurs façon de présenter le personnage de Juliette Catesby, qui pendant longtemps refusait - et pour de bonnes raisons - le contact avec l'infidèle D'Ossery, et qui terminait sa correspondance sur l'amitié féminine, les critiques déplacent les accents. Selon la plupart d'entre eux, elle aurait regretté sa première attitude trop sévère, de sorte que le récit pouvait se terminer par le mariage et ce, même, sous des auspices heureux.

Ce qui pour nous ressemble à une attaque en règle du comportement masculin n'a pas été lu comme tel par la plupart des journalistes rendant compte du roman - du moins pas ouvertement. Dans leurs comptes rendus il apparaît qu'ils ont pleinement confiance en D'Ossery, dont ils retiennent bien les explications qu'il a données de sa conduite. La scène où Juliette lui en donnait l'occasion avait en effet été commentée ainsi par Susan Lanser: "in ceding narrative voice to Ossery, Juliette opens the path for her own marital 'death'" (30). C'est ce qui est arrivé, pour ainsi dire: les critiques se montrent extrêmement compréhensifs à l'égard de Milord d'Ossery. Il aurait été lui-même "victime des lois que lui impos[ait] l'honneur" (p. 117). Par conséquent "trahison" paraîtrait un bien grand mot, on parle de "la petite aventure de l'après-souper" (p. 332). On accuse donc Juliette d'avoir exagéré: selon le Mercure de France elle n'a pas été trahie, tout au plus peut-elle "se croi[re] trahie" (p. 74, mes italiques).

L'impossibilité de pardonner, où déclarait se trouver Juliette, n'est guère relevée par la presse, et le dénouement "heureux" est accepté tel quel. Il y a même une insistance sur la vraisemblance qu'on aurait trouvée dans le dénouement - vraisemblance qui est en opposition totale du vécu et de l'incompréhension du personnage féminin commandant la perspective. En effet, les avantages - et par là la "logique"? - du pardon après un tel comportement masculin ne peuvent apparaître pleinement qu'aux yeux de celui qui trompe et aurait besoin d'être pardonné. Cette perspective-là prévaut dans l'Année Littéraire, qui résume ainsi l'intrigue:

[C'est] un sujet [extrêmemement] simple. C'est une femme quittée par un homme qui a fait un enfant à une autre, et qui revient à sa maîtresse après la mort de celle qu'il avait épousée par un sentiment généreux.. (p. 300)

Les hésitations dont Juliette faisait preuve devant le pardon, ne sont guère remarquées, comme on le constate dans la façon assez parodique de rendre la fin:

[..] on reçoit une lettre, elle est du Comte. Il se justifie, on s'adoucit, on lui pardonne, on le voit, on l'épouse et les voeux de l'un et de l'autre se trouvent comblés. (p. 297)

C'est que, d'après le Mercure de France,

[Juliette était] trop heureu[se] de trouver [d'Ossery] bien moins coupable qu'il n'y paraissait, [et que pour cela il lui était impossible de] lui refuser son pardon. (p. 84)

Le Journal Encyclopédique finit même par conclure qu'il s'agissait là d'"un tort qui n'était pas même une infidélité" (1759 123, mes italiques). Façon de dire que ce comportement - bien que non accepté par Riccoboni - fait partie, dans la réalité, de la condition féminine.

L'attention donnée au pardon, jugé d'ailleurs "normal", est une façon de ne pas reconnaître la colère que contient ce texte.


Bibliography
Susan Lanser, [...]

More details in
Suzan van Dijk, [...]



See: [1]






SvD, February 2008

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