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Queen Sophie of the Netherlands:
a great George-Sand-reader



Princesse allemande, petite-fille du Czar Paul Ier, puis épouse depuis 1839 du Prince Guillaume d'Orange qui allait devenir le Roi Guillaume III en 1849, Sophie de Wurtemberg était destinée à un mariage avec l'un des princes d'Europe. Son éducation avait été extrêmement soignée, et grâce à divers gouverneurs, elle s'était familiarisée avec la culture européenne, en particulier aussi française. Durant toute sa vie on la voit lisant et commentant ses lectures. La correspondance avec une amie anglaise, Lady Malet, en témoigne. On peut présumer que, née ailleurs que dans une cour princière, elle aurait été écrivaine: il semble clair que c'est dans le travail intellectuel qu'elle se sent à l'aise. Vers la fin de sa vie, en 1875, elle publia un article dans la Revue des Deux Mondes; ce dont elle tira - semble-t-il - une certaine fierté. D'autre part, par sa correspondance avec les grands du monde européen, elle ne laissa pas d'avoir une certaine influence politique.

Elle avait bien besoin de quelque compensation, car son mariage avec le roi - cela était notoire à l'époque - était extrêmement malheureux. Elle a même tenté, en 1851, d'obtenir le divorce, mais la raison d'Etat l'empêcha. A partir de 1855 le couple vécut séparé. C'est cela qui permit à la reine - dans la mesure justement des permissions qu'on lui accordait - d'entretenir et de cultiver les contacts avec les savants et les intellectuels dont elle aimait à s'entourer.

Entre octobre 1865 et juin 1866, la Reine Sophie écrivit elle aussi, et en français, le récit de sa vie. Ce texte, dont plusieurs versions manuscrites ont existé - certaines subsistent - était destiné à des amis intimes. L'objectif qu'elle se pose est précis. Ecrivant, comme George Sand, à un âge relativement jeune, elle ne pense qu'au court terme; elle le dit dans un préambule:

Je ne [..] raconte [ma vie] que pour faire connaître à mes amis les aspirations, les défaillances, les contradictions de mon être, pour leur dire les joies et les tristesses qui m'ont été départies. Si - après l'avoir lue - ils me serrent la main avec sympathie, je serais [sic] satisfaite. Leur affection m'aidera à porter le poids de la vie. (13, 1)

Apparemment, le premier destinataire était son ami anglais Lord Clarendon, ministre des affaires étrangères. On peut estimer que, par rapport à lui, le but a été atteint: dans une lettre datant de 1865, il décrit les mémoires de son amie comme “a real labor of love”; les deux sont restés en correspondance de 1864 jusqu'en 1870, année de sa mort à lui.

Dans sa forme définitive (écrite avec soin par une autre main que celle de la reine) cette autobiographie ne présente que la période de sa jeunesse jusqu'à son arrivée aux Pays-Bas en 1839. A la fin du chapitre sept, qui est le dernier, la mémorialiste annonce avoir besoin de quelque repos avant d'aborder la phase suivante, que finalement elle a renoncé à faire recopier. Peut-être, comme George Sand, désirait-elle ne pas parler de ce que tout le monde savait ou pensait savoir. Un aperçu de son attitude devant la vie qu'elle mena se laisse trouver dans la dernière phrase:

Heureusement, il y a encore une autre chôse en ce monde que le bonheur, sinon je devrais clore ici ce récit avec le sentiment de la plus entière et de la plus amère désolation. (13, 102)

Le récit de la reine commence également par les portraits des ancêtres, puis passe par l'enfance (mort de la mère, remariage du père avec une autre femme), les enseignements reçus, les contacts avec des amis et des membres de la famille en particulier de familles princières, pour arriver aux fiançailles avec Guillaume, son mariage et le voyage de noces et se terminer sur l'arrivée aux Pays-Bas. On y rencontre les nombreuses personnes de son entourage qu'elle décrit comme elle les a connues pendant sa jeunesse, mais pour lesquelles très souvent elle ajoute aussi quelques lignes sur leur situation présente, ou le cas échéant sur la manière dont leur vie s'est terminée.

On y fait, surtout, la connaissance d'une jeune fille enthousiaste devant la vie, aimée de son père, et curieuse d'apprendre. Le contraste avec sa soeur - “Ma soeur et moi, nous ne nous quittions jamais” (13, 30) - est grand. Contrairement à celle-ci, Sophie se dit “malheureusement très garçon, je ne savais pas jouer à la poupée” (13, 31). Pendant que sa soeur s'occupait à ce jeu, Sophie lisait, couchée par terre derrière un banc, “entre autres, les Mémoires de Sainte Hélène, des comédies de Molière, les poésies de Schiller etc.” (13, 31/2). Un peu plus tard, la formation devient plus organisée et sérieuse: “Jamais nous n'avions de vacances. Il fallait étudier, même à la campagne” (13, 36). Elle ne suit pas forcément le régime qu'on lui prépare: “J'avais une prodigieuse mémoire, dont j'abusais, ne me donnant pas la peine de réfléchir, et me fiant à ma facilité” (id.). Quand elle sera un peu plus âgée, son père lui fera cependant traduire des textes en français, ayant plus confiance en elle qu'en son secrétaire (13, 52). C'est le domaine politique qui en effet l'intéresse, davantage que celui du roman, sur lequel elle s'exprime de façon décidée:

J'avais la liberté de lire tous les livres que je voulais. Mais heureusement les romans ne m'amusaient pas. Le premier roman que je lus, Mathilde et Malek Adhel par Mme Cottin, me fit rire aux éclats, tandis que ma soeur en pleura. Par conséquent, on me traita de coeur froid. (13, 53)

Elle préférait Kant et Hegel. En effet, dans le catalogue de ses livres, établi en 1832, on peut noter la présence des deux philosophes allemands, ainsi qu'une relative absence de romans.

En 1860, un nouveau catalogue de sa bibliothèque a été rédigé, où il est facile de constater qu'une bonne partie de ses livres de jeunesse avait été amenée vers sa nouvelle patrie. La bibliothèque n'avait pas cessé de s'agrandir depuis. Ce n'est pas étonnant, dans la mesure où la lecture avait été pour elle une ressource importante. Comme elle l'écrivait en 1867 à Lady Malet: “What I like is the quiet sitting and reading in the garden”. Sur ce point aussi, elle fut frustrée: elle ajoute: “but I seldom can enjoy it”.

Cette femme diffère donc de George Sand quant aux circonstances de sa vie et quant aux moyens de les influencer, mais on a le sentiment que certains ouvrages sandiens n'ont pu qu'être d'un grand intérêt pour elle. Et en effet, bien qu'elle dise ne pas aimer les romans, elle possédait en 1860 une vingtaine de ses ouvrages: surtout des romans avec en particulier Lélia, mais aussi les Lettres d'un voyageur et Histoire de ma vie. Cette dernière prend place tout naturellement dans la longue série de biographies et d'autobiographies de femmes qu'elle s'était procurées, parmi lesquelles les lettres de Mesdames de Sévigné, de Lespinasse, de Maintenon, de Pompadour, Roland et de Fanny Burney, et les mémoires de Mesdames Campan, Du Barry, d'Oberkirch, de Motteville et d'Hippolyte Clairon.

Une présence si massive est en elle-même révélatrice. Mais qu'a-t-elle pensé de George Sand et de son oeuvre? Dans les lettres à Lady Malet- apparemment la source la plus fiable -, la reine parle peu de Sand. Mais c'est peut-être pour éviter de gêner son interlocutrice:

[...] you had never liked G. Sand à telle enseigne that having given you once a book of hers, you had immediately pointed out to me the falsehood of her theses [...].

La bibliothèque de la reine ayant été partiellement conservée, des témoignages plus substantiels des lectures sandiennes se trouvent dans certains des exemplaires: elle a marqué et souligné au crayon et à l'encre des passages qui l'avaient frappée. Nous sommes frappées à notre tour par la “lecture autobiographique” qu'elle faisait, par exemple, du Compagnon du tour de France, soulignant des passages où elle a pu retrouver sa propre situation et ses sentiments à elle. Pour ne donner qu'un exemple, ces mots de Pierre Huguenin à ses amis:

Je n'ai point à me plaindre du sort, et pourtant je ne me sens pas heureux [...] je sens toujours au dedans de moi quelque chose qui me presse et me domine; j'entends une voix qui me dit tout bas: Marche, travaille; ne t'arrête pas ici, ne te contente pas de cela; tu as tout à apprendre, tout à faire, tout à conquérir, pour remplir ta vie comme tu le dois. [...] ma vie s'écoule comme un rêve confus dont ma mémoire ne fixe aucune phase.

Elle avait aussi l'habitude de consigner dans des albums des fragments sans doute particulièrement appréciés. On retrouve ici George Sand en force: des passages recopiés de sa main et pris, entre autres, dans Mauprat, Simon et Spiridion. Le seul album qui nous soit parvenu concerne la période 1837-1849, et ne contient donc aucune référence à l'autobiographie sandienne. Quant aux éventuels soulignements dans l'exemplaire royal d'Histoire de ma vie: il n'y en a pas. Il me semble toutefois que nous sommes parfaitement justifiés à supposer un intérêt particulier chez la Reine Sophie pour cet ouvrage, et à considérer comme une trace de son influence un changement qu'a subi le premier paragraphe de son texte entre le premier jet et la version définitive.

La version autographe commence en effet par une affirmation fort surprenante, mais qui s'accorde avec l'attitude “démocratique” sandienne:

Ma vie a été très simple, la vie de tout le monde. Si je la raconte, ce n'est pas pour narrer des événements, il n'y en a point. C'est pour expliquer les faiblesses, les contradictions [...]. (11, 1)

Dans la version définitive, la Reine réduit quelque peu cette manifestation de solidarité, pour ajouter une qualification qui, d'autant plus, nous ramène à Sand:

Ceci est l'histoire de ma vie. Elle ne renferme le récit d'aucun événement remarquable, d'aucune catastrophe émouvante. [13, 1; c'est moi qui souligne]

La trace est légère, certes, et il est clair que le “contact” entre les deux femmes, qui est bien attesté à divers niveaux, a besoin d'être analysé de plus près. Il faudrait, alors, tenir compte du fait que de nombreuses personnes ont pu servir d'intermédiaires entre les deux femmes, qui d'après Georges Lubin ne se seraient jamais rencontrées: il n'y a qu'à nommer Mathilde Bonaparte, Ary Scheffer, Liszt, Lamartine, Mérimée, Renan. Ce dernier, en tout cas, rapproche d'une certaine manière les deux femmes: sans établir de véritable parallèle, il a commenté, avec un an d'intervalle, la disparition de l'une et de l'autre. En 1876, il rappela à propos de George Sand:

Le [XIX e] siècle n'a pas ressenti une blessure dont son coeur n'ait saigné, pas une maladie qui ne lui ait arraché des plaintes harmonieuses. [1]

Et l'année d'après il consacra également une nécrologie à la Reine Sophie:

Sa vie, nous la méditerons peut-être un jour, quand il sera possible en pensant à elle de faire la part à autre chose qu'à la douleur et aux regrets. [2]



Notes:

[1] Cité d'après Aline Alquier, George Sand, Paris, Charron, 1972, p. 129.

[2] Ernest Renan, “La Reine Sophie de Hollande”, dans Revue des Deux Mondes 1877, 15 juin, p. 955.

SvD, September 2007



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