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A young Dutch reader of Epinay's Conversations d'Emilie:
Otto van Eck



Ce garçon âgé de onze ans est un des rares lecteurs du XVIIIe siècle pour lequel nous disposions de comptes rendus de ses lectures - plus exceptionnels encore à cause de son âge. Sur ordre de ses parents il tenait un journal où il notait ses activités de la journée, parmi lesquelles notamment la lecture, souvent en français. Bien que n'appartenant pas au public féminin que visait clairement Louise d'Epinay, il lui arriva, au mois d'octobre 1791, de lire quelques parties de ses Conversations d'Emilie, en version originale. Notons qu'il lisait également des ouvrages de Stéphanie de Genlis et d'Elisabeth La Fite.

Otto van Eck lit notamment le 13e dialogue des Conversations d'Emilie, dans lequel la mère suggère à sa fille de ne pas se laisser impressionner par des personnes inconnues, et de donner la réplique à ceux qui prennent la liberté de juger d'elle trop hâtivement. Elle aurait dû notamment répondre à celles qui la trouvaient trop hâlée - conseil auquel elle ajoute celui de ne pas attacher trop d'importance à sa propre beauté.

Qui avait pu conseiller à Otto de lire justement ces pages? Aurait-il ouvert au hasard ce livre, trouvé dans la bibliothèque de sa mère, et peut-être destiné aux soeurs cadettes d'Otto? Il ne s'en explique pas, mais rend compte au jour le jour de ses lectures:

Vendredi 7 octobre [1791] Après dîner lu Emilie: elle rentra de la promenade mécontente, ayant entendu dire par deux personnes qu'elle (Emilie) serait assez belle si elle n'était pas si noire.

Il a donc lu, ce jour-là, une partie seulement de la Conversation, qui du coup, pour être ainsi morcelée, perd non seulement de sa cohérence mais aussi de son message. Le jeune lecteur ne peut que passer à côté de l'avis maternel selon laquelle la fille aurait dû réagir. Cette partie-là de la Conversation ne sera lue que deux jours plus tard. Isolée de la scène à laquelle elle était rattachée, elle perd de son poids. En outre le garçon en tire une conclusion générale, laissant tomber l'impact supplémentaire du conseil adressé justement à une fille:

Dimanche 9 octobre [1791] Lu dans Emilie: qu'il ne faut pas se laisser offenser et tout supporter sans, avec une certaine modestie, en dire un mot

Le conseil, important dans une éducation de fille, sur le peu d'importance à attacher à la beauté, subit le même sort:

Lundi 10 octobre [1791] Lu dans Emilie: qu'il existe certaines jeunes demoiselles qui, pour être belles, voudraient se passer des richesses et même de leur santé, ce qui n'est ni sage ni juste [...]

Ce conseil, également, se réduit beaucoup dans cette façon de le re-formuler: le garçon aurait, en quelque sorte, grâce à cette lecture, appris l'existence d'un type de filles plutôt particulières, qui se comportent bizarrement.

Les renseignements que nous fournit le journal d'Otto van Eck sont divers. En premier lieu, on constate que ses parents ont dû juger qu'il valait la peine de faire lire l'ouvrage de Louise d'Epinay par leur fils. Ce serait un signe de l'intérêt qu'il représentait pour eux. Mais quel est cet intérêt? Ne s'agit-il pas uniquement de le familiariser avec le français? Lui aurait-on imposé un certain nombre de pages par jour? Si tel est le cas, cela n'est pas mentionné dans le journal. Force est de constater que ce jeune Otto n'est que moyennement intéressé par cette lecture, que d'ailleurs il abandonne après une semaine.

En attendant de trouver des comptes rendus de lectures féminines, on aurait tendance à voir dans cet abandon une confirmation de l'intérêt particulier de ce texte pour un public de femmes, ou plutôt de filles. Intérêt particulier dont visiblement ne tenaient compte ni les parents d'Otto, ni par exemple Catherine II de Russie, qui fit traduire l'ouvrage à l'intention de son petit-fils. L'impératrice confirme qu'elle utilise avec succès la méthode pédagogique de Louise d'Epinay dans l'éducation de ce jeune Alexandre. Dans ce genre de cas, on est confronté - comme l'avait signalé déjà Arianne Baggerman dans son article sur le journal d'Otto van Eck - aux interventions des éducateurs, qui empêchent de connaître l'impact réel que pouvait avoir sur le public visé un livre destiné à des enfants.


Bibliographie:
Baggerman, Arianne et Rudolf Dekker (éds.), Het dagboek van Otto van Eck (1791-1797). Hilversum, Verloren, 1998.
Baggerman, Arianne, "Lezen tot de laatste snik. Otto van Eck en zijn dagelijkse literatuur (1780-1798)". In: Jaarboek voor Nederlandse Boekgeschiedenis 1 (1994), pp.57-88.

SvD, September 2007



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