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Belle van Zuylen



LETTRE SUR LES OPERATIONS MILITAIRES EN CORSE


Written in August 1768 by Belle van Zuylen after the letters David-Louis Constant d’Hermenches, colonel in the French army, had sent to her during the preceding weeks. The text was published in the Gazette d’Utrecht (2 September 1768), and (abridged and translated into Dutch) in the ‘s Gravenhaegse Courant (22 August 1768)


Nous languissions dans l’inaction depuis cinq semaines; nos Bataillons étaient resserrés de tous côtés par les montagnes et par les Corses qui, fiers d’une gorge impénétrable, nommée Bocca di Patrimonio, défendue par des rochers et des montagnes escarpées, croyaient impossible que nous pussions établir notre communication entre San Fiorenzo et la Bastia. Ils nous insultaient dans notre Camp, couchant en joue nos Sentinelles et disant que, si nous ne commencions pas la guerre, ils la commenceraient. Le dimanche, 1er Août, ils tombèrent sur un détachement que nous avions avancé dans la gorge de Ste Marie. Ils nous tuèrent bien des braves gens, entre autres un Officier qu’ils pendirent sur une hauteur, et ils traitèrent cruellement nos blessés.

Nous attendions un effort de Mr de Marbœuf pour en faire un de notre côté et nous joindre à lui. Il lui était difficile de gagner le Monte Bello et de se poster sur les hauteurs de Barbaggio, poste absolument nécessaire pour la communication et réputé imprenable du côté de San Fiorenzo. Les attaques de Mr de Marbœuf trouvaient une grande résistance: les fusils des Corses faisaient des Montagnes un brasier ardent et dans la fumée, dont ils couvraient tout le pays, les Corses s’approchaient & tiraient.

Le lundi matin, à la pointe du jour, Mr le Colonel Constant d’Hermenches, avec quelques Compagnies de grenadiers et de chasseurs, marche à la montagne de la gauche, la grimpe malgré les coups de fusils et les pierres roulantes, sépare sa troupe à moitié côte, fait attaquer les deux redoutes, fond lui-même sur ce qui défend la cime, les ennemis tirent, fuient, et sont précipités et massacrés. En moins de deux heures nous nous trouvons maîtres de ce Poste sans avoir perdu qu’un seul Officier et 35 soldats.

Pendant ce temps-là, Mr de Grand Maison, notre Général, avait passé la gorge. Mr Constant d’Hermenches, avec sa troupe, descend par le revers de son Champ de bataille, gagne la Plaine de Patrimonio, emporte plusieurs Villages, et fait investir le Château de Cavelli, résidence et place d´armes du Général Barbaggio, neveu de Paoli. Ce Château est fortifié et Barbaggio y avait trois cents de ses braves; il fait d´abord un feu enragé sur nous, mais on le resserre, le canon joue et Barbaggio se jette sur un cheval, trouve une issue et s´échappe; la moitié de sa troupe le suit, et il laisse le reste sous le commandement du Sr Cavelli, avec ordre de se défendre à toute extrémité, mais la défense ne fût pas longue et, Mr Constant d´Hermenches leur ayant promis la vie, ils nous rendirent leurs armes des fenêtres et de partout.

Nous enfonçâmes la porte et nous fîmes cent prisonniers, parmi lesquels le Sr Antonio del Cardetto qui, le jour auparavant, avait fait commettre tant d´horreurs à la gorge de Ste Marie. On le trouva dans la Chapelle du Château, couvert d´un drap et faisant le mort. Les femmes, sans s´effrayer, sans jeter un cri, défendirent chambre après chambre pour empêcher le pillage; il y en avait eu de tuées autour desquelles d´autres s´assemblaient et leur parlaient; on leur laissa tout ce qu´elles disaient être à elles.

Mais malgré nos succès la communication nous manquait encore, et la fatigue et l´excessive chaleur semblaient nous mettre dans l´impossibilité d´entreprendre rien de plus; cependant Mr Constant d´Hermenches rassemble et ranime ses grenadiers et ses chasseurs, et demande à marcher au fameux poste du Village de Barbaggio. Nous nous avançons. Tout d´un coup nous voyons sortir une troupe de Corses, tirant des coups de fusil, qui passe et se jette dans nos chasseurs, ceux-ci les canardent de pied ferme; le Colonel monte à Barbaggio, les Paysans crient et montrent du blanc. La troupe qui venait de passer était des Soldats de Paoli, que ces Paysans avaient forcés de se retirer. Nous entrons dans le Village, tout court au devant de nous, demandant miséricorde et embrassant les pieds du Colonel qui se fit apporter leurs armes et empêcha le pillage.

Nous avons passé la nuit sous les armes, rien n´a paru, nos Généraux se sont abouchés et, ce matin, l´on a assuré la communication etcétéra...



This text was read at the Treaty of Utrecht Concert 27 May 2011 by actress Henriëtte Tol. Selection and adaptation Suzan van Dijk (Huygens ING - KNAW, The Hague). See for original text: Belle van Zuylen-Isabelle de Charrière, Œuvres complètes, vol. 10 Essais, vers, musique. Amsterdam, Van Oorschot, 1981, pp. 47-50. See also Pierre H. Dubois and Simone Dubois, Zonder vaandel. Belle van Zuylen, 1740-1805, een biografie. Amsterdam, Van Oorschot, 1993, p. 270-279.






SvD, May 2011



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