Jump to: navigation, search


Keetje Hooijer-Bruijns:
following George Sand's example



Keetje Bruijns, devenue veuve en 1873 de son mari le pasteur protestant Cornelis Hooijer, se mit autour de 1880 à écrire une “histoire de ma vie”: Mijne levensgeschiedenis, verteld aan mijne kinderen. Elle suit l'exemple de George Sand, et adopte, consciemment sans aucun doute, le titre sandien en ajoutant: “racontée à mes enfants”. Dans le cours de son récit, elle apostrophe régulièrement l'un ou plusieurs de ces enfants, tous adultes. Et elle fera imprimer, grâce à son deuxième fils devenu libraire, des exemplaires destinés à chacun de ses enfants.

Il est évident que l'objectif de Hooijer était fort différent de celui de George Sand, de même que sa vie n'avait pas beaucoup en commun avec la vie de celle-ci. Son autobiographie la montre d'abord comme une jeune fille extrêmement curieuse et ouverte, lisant apparemment tout ce qui lui tombait sous les yeux (mais elle ne mentionne pratiquement pas de titres), et admirative devant sa gouvernante française (I, 39). A propos de la rencontre avec son mari, elle se compare à Madame de Staël:

C'était pour moi un grand bonheur de trouver un mari qui me dominait non seulement en âge, mais aussi pour l'expérience de la vie. On aurait pu dire de moi ce qu'une vieille dame très sage disait de la fille de Madame Necker: “Elle est peut-être trop instruite. J'espère qu'elle oubliera quelque chose de ce qu'elle a appris dans les livres”. (I, 130; citation en français)

Plus tard elle notera que dans Zaltbommel, la petite ville au centre du pays, où son mari a été nommé pasteur, les conversations ne sont pas toujours riches d'intérêt (I, 122). Elle avait fait un mariage d'amour (I, 127), mais cela n'a pas empêché que sa vie soit parfois ennuyeuse (II, 56) - son mari faisant partie du Synode de l'Eglise réformée et étant régulièrement absent de la maison. Un petit voyage à Bruxelles lui fera donc le plus grand bien (II, 150). Bien qu'elle se décrive comme heureuse surtout grâce à ses enfants (II, 169), elle semble avoir eu besoin d'activités intellectuelles: en effet, c'est elle qui, à partir de 1848, se chargera en grande partie des travaux de correction, rédaction et traduction que l'éditeur local Noman confie à son mari pour arrondir quelque peu les fins de mois (II, 61ss). Elle insiste sur le bonheur qu'elle ressent à collaborer ainsi avec son mari (II, 62). De même lors de catastrophes qui touchent la région: la famine en 1847, des inondations en 1860-61. Elle s'active alors pour coördonner les réactions suscitées par un pamphlet qu'avait publié son mari en 1847 (II, 34: Hooijer 1847), et à la deuxième occasion par la visite du roi: elle fait remarquer que souvent les vêtements envoyés aux sinistrés étaient fort beaux, mais inadéquats (II, 140).

C'est à la demande de sa fille aînée, Mina, qu'elle s'était donnée pour tâche de coucher par écrit les souvenirs qu'elle avait l'habitude de leur raconter à elle et à ses autres enfants (I, 2). Arrivée à la fin de son récit, elle se rend compte qu'elle-même aura eu sans doute le bénéfice le plus conséquent de l'entreprise: “la joie de savoir que cela me permettra de vivre dans la mémoire de chacun de vous, même quand je vous aurai quittés. Ne pas devoir être oubliée de vous, c'est une pensée incomparablement douce!”. Suit la signature: “Votre mère” (II, 170/1).

Néanmoins, Keetje Hooijer présente son texte en renvoyant très explicitement à l'autobiographie sandienne. Voici le début du premier paragraphe, avec une citation qu'elle donne en français:

“Les impressions personnelles”, dit George Sand au commencement de son Histoire de ma vie, “ces voyages ou ces essais de voyages dans le monde, racontés par un esprit sincère et sérieux, peuvent être un stimulant, un encouragement et même un conseil et un guide pour les autres esprits engagés dans le labyrinthe de la vie. C'est comme un échange de confiance et de sympathie, qui élève la pensée de celui qui raconte et de celui qui écoute. Dans la vie intime un mouvement naturel nous porte à ces sortes d'expansions à la fois humbles et dignes: 'j'ai souffert les mêmes maux, j'ai traversé les mêmes écueils et j'en suis sorti: donc, tu peux guérir et vaincre!' 'Voilà ce que l'ami dit à l'ami'”, - et j'ajoute: voilà ce que la mère dit à ses enfants. (I, 1)

Elle commence ainsi en reprenant un développement que George Sand avait également donné dans ses premières pages. On y trouve en présence “celui qui raconte” et “celui qui écoute”, concrétisés par Hooijer lorsqu'en tant que mère elle se met en scène, face à ses enfants - à tel point que ce bout de phrase où Sand insiste sur les liens autres que parentaux a été sacrifié:

Qu'un ami, un frère vienne nous avouer les tourments et les perplexités de sa situation, nous n'avons pas de meilleur argument pour le fortifier et le convaincre que des arguments tirés de notre propre expérience, tant nous sentons alors que la vie d'un ami c'est la nôtre, comme la vie de chacun est celle de tous. (HV I, 9/10).

Hooijer ne va pas jusque là, et elle concrétise aussi le domaine qu'elle prétend embrasser: “le monde” où Sand voyageait et faisait voyager avait été “le monde abstrait de l'intelligence ou du sentiment”. Cette lectrice néerlandaise se concentre sur le cercle au milieu duquel elle vivait et avait vécu, et du “monde” occupé par les membres de sa famille.

Comme George Sand, elle insère dans son texte un grand nombre de lettres, mais ce sont les siennes propres et celles de son mari. Elle consacre également un certain nombre de pages à ses ancêtres: les siens (sa mère étant originaire de Lyon) et ceux de son mari. Sans égaler Sand - loin de là, puisque dès la page 29 du tome premier elle précise: “me voici arrivée à la période où j'arriverai moi-même sur scène” - elle renvoie tout de même à son modèle pour se justifier sur ce point:

[Ces histoires] au fond appartiennent à ma propre histoire, car - pour faire parler encore George Sand: - “chaque homme, doué de quelque distinction naturelle, la doit à quelque homme qui l'a précédé, ou à quelque femme qui l'a engendré. Le peuple a ses ancêtres comme les rois. Chaque famille a sa noblesse, sa gloire, ses titres: le travail, la vertu, le courage ou l'intelligence”. (I, 2)

Ici encore, elle a adapté quelque peu le texte sandien en lui enlevant son rapport à la Révolution. Si Sand avait fait remarquer que “le peuple a[vait] ses ancêtres tout comme les rois” (HV I, 28), c'était pour dire que le peuple “qui avait souffert de l'oppression héréditaire” n'était pas “uniquement fils de ses oeuvres” et qu'il n'avait donc rien à envier à la noblesse et à la royauté. Hooijer réduit le sens à l'idée du lignage et “des exemples à suivre si [on] pouvait regarder derrière [soi], dans son histoire de famille” (id.).

Malgré tout ce qui les sépare, nous avons ici un exemple de ce type de lectrice/lecteur auquel George Sand s'adressait, et auquel elle disait:

que chacun de vous cherche à tirer et à sauver de l'oubli les bonnes actions et les utiles travaux de ses aïeux, et qu'il agisse de manière que ses descendants lui rendent le même honneur. L'oubli est un monstre stupide qui a dévoré trop de générations. (HV I, 29) Keetje Hooijer paye un tribut à George Sand en commençant par l'invoquer - elle qui ne cite guère d'autres auteur(e)s - et en revenant à elle vers la fin de ses mémoires: elle rappelle alors à ses enfants que, eux aussi, ils pourront “guérir et vaincre” “les maux, les écueils” de la vie (II, 170), et se déclare - on l'a déjà vu - ravie de ne pas devoir être oubliée (II, 171).


Suzan van Dijk, September 2007
NB text will be translated.


Bibliographie:
Hooijer, C., De groote nood des hongers in en bij den Boemelerwaard. Zaltbommel, Noman, 1847.


SvD, September 2007



  • Note that informations contained in the database WomenWriters have been derived from contemporary sources, which may contain errors. Also important: when arriving in the database WomenWriters, your status is: "not logged on", which means that you have only partial view. For complete view and participation in the project, take contact.



  • The reading side > Dutch readers > Keetje Hooijer-Bruijns

Personal tools