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Geertruida Kapteyn-Muysken



Cette fille du bourgmestre d'une petite ville près de Haarlem, qui est parmi les premières à fréquenter l'enseignement secondaire scolaire, est une grande liseuse dès sa jeunesse. Plus tard elle sera inspirée par l'exemple d'Helene Mercier, de 25 ans son aînée, socialiste, journaliste et traductrice, et qui militait en faveur de l'éducation des femmes. A partir de 1878, Kapteyn devait rester en contact avec Mercier, bien qu'elle ait passé de longues années à l'étranger. Après son mariage en 1880, elle suivait son mari à Londres. Elle y éduquait ses trois enfants, mais surtout s'entourait aussi d'âmes soeurs telles Kropotkine et G.B. Shaw. C'est en Angleterre qu'elle fit paraître une première publication sous le titre “A plea for moral education”, dans la revue Shafts (1894). Cinq ans plus tard elle commença à publier en néerlandais, tout en vivant, durant quelques années, à Zurich où le couple devint le centre d'une communauté d'intellectuels désireux de réforme sociale. C'est pendant la première guerre mondiale qu'elle vira vers une pensée anarchiste.

Elle était particulièrement intéressée par la philosophie de Jean-Marie Guyau (1854-1888), dont elle traduisait en anglais Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction (1885). En 1898 parut A sketch of morality independent of obligation or sanction, dans une version bon marché afin de pouvoir toucher un public le plus large possible, y compris des ouvriers.

La vie de cette femme n'a été encore que partiellement étudiée, et je retiens ici en particulier le lien avec Helene Mercier. Il est pertinent, puisque d'une part Mercier était intéressée par George Sand, dont elle allait traduire et publier en 1887 le Compagnon du tour de France, et d'autre part c'est elle qui avait mis Kapteyn en contact avec un littérateur connu, Willem Doorenbos. Professeur de lettres dans le secondaire, qui se donnait pour tâche de familiariser des personnes moins lettrées avec les littératures étrangères, il lui donnait pendant deux ans, de 1878 jusqu'à son départ pour Londres, des cours particuliers de littérature. Durant cette même période, elle a consigné - dans un solide cahier acheté sans doute exprès pour cet usage - des fragments de ses lectures. Lui étaient-elles conseillées par Doorenbos, qui avait publié en 1869 un manuel d'histoire littéraire, et qui avait exercé une assez forte influence sur les jeunes écrivains de cette génération? C'est possible, mais il n'y a pas de traces de son intervention.

Or, ce cahier contient une grande quantité de fragments recopiés d'après Histoire de ma vie. Durant l'hiver 1878-1879 Kapteyn a été, comme elle l'écrira à Helene Mercier quelque cinq ans plus tard, “passionnée” par l'autobiographie de George Sand, “dont de nombreuses pages dans [s]on “livre de copies” ravivent chaque fois le souvenir”. Près de 50 pages en sont en effet remplies. Sans pouvoir évidemment entrer dans beaucoup de détails, je montrerai rapidement ce qui l'a surtout préoccupée.

Tout d'abord: la solidarité visée par Sand, entre “celui qui raconte” et “celui qui écoute”, a attiré aussi cette lectrice néerlandaise. Elle recopie les mêmes passages que Keetje Hooijer, mais de façon plus complète:

[...] ma vie, c' est la vôtre ; car, vous qui me lisez, vous n'êtes point lancés dans le fracas des intérêts de ce monde, autrement vous me repousseriez avec ennui. Vous êtes des rêveurs comme moi. Dès lors tout ce qui m'arrête en mon chemin vous a arrêtés aussi. Vous avez cherché, comme moi, à vous rendre raison de votre existence, et vous avez posé quelques conclusions. [...] (HV I, 27/8)

Rappelons que Kapteyn a alors 23 ou 24 ans, et qu'apparemment elle cherche aussi en lisant à se munir d'une expérience de la vie. Cette vie, elle s'en rend compte peut-être déjà, sera la vie de quelqu'un qui écrit. C'est ainsi qu'on doit sans doute comprendre la reprise de ce que j'appellerais l'annonce chez Sand de Virginia Woolf :

[....] Et puis, n'être pas chez soi, ne pas se sentir seule une heure dans la journée ou dans la nuit, c'est quelque chose d'antipathique pour ceux qui aiment à rêver et à contempler. [...] il faut à tout être pensant ses heures de solitude et de recueillement. (HV I, 944)

Les passages concernant la “naissance de l'écrivain” George Sand sont également transcrits :

Je reconnus que j'écrivais vite, facilement, longtemps sans fatigue; que mes idées, engourdies dans mon cerveau, s'éveillaient et s'enchaînaient, par la déduction, au courant de la plume; que, dans ma vie de recueillement, j'avais beaucoup observé et assez bien compris les caractères que le hasard avait fait passer devant moi, et que, par conséquent, je connaissais assez la nature humaine pour la dépeindre. [...] (HV II, 101)

Il convient de préciser que Kapteyn n'écrira pas de romans, mais qu'elle fera d'abord de la philosophie, puis cherchera à appliquer dans la pratique des sytèmes de pensée - en particulier entre 1914-1918, lorsqu'elle tente de se situer en tant que femme par rapport à la guerre: elle appellera les femmes à la révolte et à protester contre leur minorité politique.

En 1879, elle n'en est pas encore là: c'est autour de cette période, probablement, qu'elle rencontre l'homme qu'elle épousera en décembre 1880. La transcription de certains passages semblent traduire un espoir de progéniture et un grand intérêt pour l'éducation des enfants:

[...] On ne lui [à l'enfant] rend pas service en hâtant sans ménagement et sans discernement l'appréciation de toutes les choses qui le frappent. Il est bon qu'il la cherche lui-même et qu'il l'établisse à sa manière durant la période de sa vie où, à la place de son innocente erreur, nos explications, hors de portée pour lui, le jetteraient dans des erreurs plus grandes encore, et peut-être à jamais funestes à la droiture de son jugement, et, par suite, à la moralité de son âme. (HV I, 534/5)

Elle aura trois enfants, et il est probable que les pressentiments exprimés dans une lettre à Helene Mercier sur le peu de temps qu'elle allait avoir, une fois mariée, pour s'occuper de ses lectures se seront réalisés. Quelque quinze ans plus tard, elle commença de publier. Que l'on sache, elle n'a pas écrit d'“histoire de sa vie”, mais cela peut être dû à plusieurs facteurs. L'un d'entre eux étant celui du temps qui lui a été imparti: elle est tombée malade lorsqu'elle finissait de rédiger un texte, et est morte dans un hôpital psychiatrique.

SvD, September 2007



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