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Ileana Mihaila




Des femmes par des femmes : la réception de la littérature féminine par des écrivaines roumaines au 19e siècle

Abstract:

Je me propose de m’attarder sur quelques témoignages féminins roumains concernant la production littéraire féminine, vue et analysée en tenant compte non seulement de la qualité littéraire des textes mais aussi, de manière explicite, de la condition propre aux écrivaines. Si je compte accorder une place de choix aux nombreux jugements exprimés par Dora d’Istria notamment dans Des femmes par une femme à propos de quelques personnalités littéraires de son sexe, je voudrais la compléter par l’analyse très poussée d’une journaliste roumaine, Eugenia Scriban dont l’activité se déroule à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Même si l’ample article qui m’intéresse, Femeia in literatura [La femme en littérature] et qui compte presque 50 pages ne sera publié qu’en 1907, je le considère néanmoins comme représentatif pour la manière d’une femme-auteur roumaine de la fin du 19e siècle de considérer la littérature féminine, qui se laisse entrevoir comme une voie d’accès à la reconnaissance du statut d’égalité qui lui fut longtemps refusé.

Dans son article, Eugenia Scriban considère que le problème de l’émancipation de la femme représente «la question » la plus importante de son époque : « Briser un joug lourd, souvent même humiliant, se diriger sur une nouvelle voie, de travail fertile, voilà vers quoi tend la femme d’aujourd’hui, qui juge et sent, voilà ce que nous désirons pour notre sort ». Elle commence par analyser le statut de la femme à travers l’histoire, à partir du Code de Hammourabi, pour qui la femme « valait exactement comme l’animal », pour arriver aux femmes célèbres qui ont fait la gloire de leur sexe et qui montrent bien ce que la femme vaut, en commençant par Sapho, pour passer un peu brusquement à Marguerite de Navarre, à Mme de Rambouillet, à Mme de Scudéry, à Mme de Sévigné ou à Mme Deshoulières, à Mme de Maintenon, de Staël, de Genlis, dont elle nous donne des portraits parfois un peu naïfs, mais bien vivants. D’autres sources seront d’ailleurs prises en considération, afin de montrer par des exemples concrets comment cette attitude militante en faveur des droits sociaux et intellectuels du sexe soi-disant faible se manifestait, notamment dans les revues destinées aux femmes et qui étaient souvent dirigées par des femmes de lettres, comme Mama si copilulu (La mère et l’enfant, Bucarest, 1865-1866, directrice : Maria Rosetti) ou Femeia Româna (La Femme Roumaine, Bucarest, 1878-1881, directrice : Maria Flechtenmacher), qui publient aussi des traductions de la littérature féminine (parfois réalisées par elles-mêmes ou par d’autres écrivaines de la même période) qui sont accompagnées d’ailleurs d’articles où elles expriment leur position féministe militante, en ce qui concerne le statut de la femme.

Il faut néanmoins préciser que cette position ne suggère point un abandon nécessaire de la destinée féminine traditionnelle au sein de la famille (Maria Rosetti, Maria Flechtenmacher, Eugenia Scriban ont été heureuses dans leurs mariages tout en ayant une carrière professionnelle et sociale accomplie), ni forcément un jugement défavorable pour une femme qui abandonne son foyer, comme le fit Dora d’Istria. Mais une analyse plus poussée de tous ses aspects dans un corpus représentatif de leurs écrits programmatiques me permettra certes une conclusion plus complète et mieux argumentée.




AsK, September 2012




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