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Véronique Church-Duplessis




C’est dans le contexte de l’engouement naturaliste et ethnologique issu des voyages d’exploration du XVIIIe siècle qu’il faut insérer l’oeuvre Les Morlaques (1788) de la Vénitienne Giustiniana Wynne di Rosenberg-Orsini (1737-1791). Devant l’impossibilité de visiter les contrées éloignées faisant l’objet de nombre d’études naturalistes, Wynne récupère les écrits ethnologiques et les adapte de façon à ce qu’ils conviennent à sa propre condition. Elle crée ainsi un nouveau genre littéraire : le roman anthropologique. En se basant sur les écrits du naturaliste Alberto Fortis (1778), Wynne dresse un portrait détaillé des moeurs des Morlaques, un peuple semi-primitif habitant la Dalmatie alors sous domination vénitienne. La relation de l’auteure est en tous points fidèle aux propos rapportés par Fortis sauf sur un aspect : la condition féminine. En effet, bien que l’auteure adopte le paradigme préromantique du bon sauvage et bien qu’elle idéalise l’existence naturelle des Morlaques, elle dénonce le traitement brutal et barbare réservé aux femmes de ce peuple.

Toutefois, dans son roman, Wynne ne fait pas que dénoncer la condition de la femme dans les milieux primitifs, elle porte aussi un regard critique sur les relations entre les sexes dans les sociétés européennes dites civilisées. Dans son oeuvre, l’auteure met en scène une famille morlaque ayant des moeurs différentes de celles de leurs compatriotes. Cette famille, insiste Wynne, respecte toutes les lois de la nature : les femmes y sont estimées et y jouissent d’une certaine égalité. L’auteure instrumentalise donc l’aspect anthropologique du roman pour proposer une alternative à la condition féminine à la fois dans les sociétés primitives et civilisées.




SvD, February 2009




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