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+ | Aza, mon cher Aza ! Les cris de ta tendre Zilia, tels qu' une vapeur du matin, s' exhalent, et sont dissipés avant d' arriver jusqu' à toi ; en vain je t' appelle à mon secours, en vain j' attends que tu viennes briser les chaînes de mon esclavage : hélas ! Peut-être les malheurs que j' ignore sont-ils les plus affreux ! Peut-être tes maux surpassent-ils les miens ! <br><br> | ||
- | Aza, mon cher Aza ! Les cris de ta tendre Zilia, tels qu' une vapeur du matin, s' exhalent, et sont dissipés avant d' arriver jusqu' à toi ; en vain je t' appelle à mon secours, en vain j' attends que tu viennes briser les chaînes de mon esclavage : hélas ! Peut-être les malheurs que j' ignore sont-ils les plus affreux ! Peut-être tes maux surpassent-ils les miens ! La ville du soleil, livrée à la fureur d' une nation barbare, devrait faire couler mes larmes ; et ma douleur, mes craintes, mon désespoir ne sont que pour toi. | + | La ville du soleil, livrée à la fureur d' une nation barbare, devrait faire couler mes larmes ; et ma douleur, mes craintes, mon désespoir ne sont que pour toi. |
- | Qu' as-tu fait dans ce tumulte affreux, chère âme de ma vie ? Ton courage t' a-t-il été funeste ou inutile ? Cruelle alternative ! Mortelle inquiétude ! | + | |
- | ô mon cher Aza ! Que tes jours soient sauvés, et | + | Qu'as-tu fait dans ce tumulte affreux, chère âme de ma vie ? Ton courage t' a-t-il été funeste ou inutile ? Cruelle alternative ! Mortelle inquiétude ! ô mon cher Aza ! Que tes jours soient sauvés, et |
que je succombe, s' il le faut, sous les maux qui | que je succombe, s' il le faut, sous les maux qui | ||
m' accablent ! | m' accablent ! | ||
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Depuis le moment terrible (qui aurait dû être | Depuis le moment terrible (qui aurait dû être | ||
arraché de la chaîne du temps et replongé dans | arraché de la chaîne du temps et replongé dans | ||
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mes jours sont semblables aux nuits les plus | mes jours sont semblables aux nuits les plus | ||
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Loin d' être touchés de mes plaintes, mes ravisseurs | Loin d' être touchés de mes plaintes, mes ravisseurs | ||
ne le sont pas même de mes larmes ; sourds | ne le sont pas même de mes larmes ; sourds | ||
à mon langage, ils n' entendent pas mieux les cris | à mon langage, ils n' entendent pas mieux les cris | ||
de mon désespoir. | de mon désespoir. | ||
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Quel est le peuple assez féroce pour n' être point | Quel est le peuple assez féroce pour n' être point | ||
ému aux signes de la douleur ? Quel désert aride | ému aux signes de la douleur ? Quel désert aride | ||
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cruauté est le seul guide de leurs actions. Aza, | cruauté est le seul guide de leurs actions. Aza, | ||
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Que fais-tu ? Si ma vie t' est chère, instruis-moi de | Que fais-tu ? Si ma vie t' est chère, instruis-moi de | ||
ta destinée. | ta destinée. | ||
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leur secours je rendrais immortelle l' histoire de | leur secours je rendrais immortelle l' histoire de | ||
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à mesure que je travaillais, l' entreprise me | à mesure que je travaillais, l' entreprise me | ||
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de nos sentimens, comme il était autrefois | de nos sentimens, comme il était autrefois | ||
l' interprète de nos pensées pendant les longs | l' interprète de nos pensées pendant les longs | ||
intervalles que nous passions sans nous voir. | intervalles que nous passions sans nous voir. | ||
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Tout entière à mon occupation, j' oubliais le | Tout entière à mon occupation, j' oubliais le | ||
temps, lorsqu' un bruit confus réveilla mes esprits | temps, lorsqu' un bruit confus réveilla mes esprits | ||
et fit tressaillir mon coeur. | et fit tressaillir mon coeur. | ||
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Je crus que le moment heureux était arrivé, et | Je crus que le moment heureux était arrivé, et | ||
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précipitamment mes quipos sous un pan de ma | précipitamment mes quipos sous un pan de ma | ||
robe, et je courus au-devant de tes pas. | robe, et je courus au-devant de tes pas. | ||
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Mais quel horrible spectacle s' offrit à mes yeux ! | Mais quel horrible spectacle s' offrit à mes yeux ! | ||
Jamais son souvenir affreux ne s' effacera de ma | Jamais son souvenir affreux ne s' effacera de ma | ||
mémoire. | mémoire. | ||
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Les pavés du temple ensanglantés, l' image du | Les pavés du temple ensanglantés, l' image du | ||
soleil foulée aux pieds, des soldats furieux | soleil foulée aux pieds, des soldats furieux | ||
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répandant de toutes parts l' horreur et l' effroi, | répandant de toutes parts l' horreur et l' effroi, | ||
m' ôtèrent jusqu' au sentiment. | m' ôtèrent jusqu' au sentiment. | ||
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Revenue à moi-même, je me trouvai, par un mouvement | Revenue à moi-même, je me trouvai, par un mouvement |
Revision as of 14:41, 17 November 2008
Aza, mon cher Aza ! Les cris de ta tendre Zilia, tels qu' une vapeur du matin, s' exhalent, et sont dissipés avant d' arriver jusqu' à toi ; en vain je t' appelle à mon secours, en vain j' attends que tu viennes briser les chaînes de mon esclavage : hélas ! Peut-être les malheurs que j' ignore sont-ils les plus affreux ! Peut-être tes maux surpassent-ils les miens !
La ville du soleil, livrée à la fureur d' une nation barbare, devrait faire couler mes larmes ; et ma douleur, mes craintes, mon désespoir ne sont que pour toi.
Qu'as-tu fait dans ce tumulte affreux, chère âme de ma vie ? Ton courage t' a-t-il été funeste ou inutile ? Cruelle alternative ! Mortelle inquiétude ! ô mon cher Aza ! Que tes jours soient sauvés, et que je succombe, s' il le faut, sous les maux qui m' accablent !
Depuis le moment terrible (qui aurait dû être arraché de la chaîne du temps et replongé dans les idées éternelles), depuis le moment d' horreur où ces sauvages impies m' ont enlevée au culte du soleil, à moi-même, à ton amour, retenue dans une étroite captivité, privée de toute communication avec nos citoyens, ignorant la langue de ces hommes féroces dont je porte les fers, je n' éprouve que les effets du malheur sans pouvoir en découvrir la cause. Plongée dans un abîme d' obscurité, mes jours sont semblables aux nuits les plus effrayantes.
Loin d' être touchés de mes plaintes, mes ravisseurs ne le sont pas même de mes larmes ; sourds à mon langage, ils n' entendent pas mieux les cris de mon désespoir.
Quel est le peuple assez féroce pour n' être point ému aux signes de la douleur ? Quel désert aride a vu naître des humains insensibles à la voix de la nature gémissante ? Les barbares ! Maîtres du yalpor, fiers de la puissance d' exterminer, la cruauté est le seul guide de leurs actions. Aza, comment échapperas-tu à leur fureur ? Où es-tu ? Que fais-tu ? Si ma vie t' est chère, instruis-moi de ta destinée.
Hélas ! Que la mienne est changée ! Comment se peut-il que des jours si semblables entre eux aient par rapport à nous de si funestes différences ? Le temps s' écoule, les ténèbres succèdent à la lumière, aucun dérangement ne s' aperçoit dans la nature ; et moi, du suprême bonheur je suis tombée dans l' horreur du désespoir, sans qu' aucun intervalle m' ait préparée à cet affreux passage.
Tu le sais, ô délices de mon coeur ! Ce jour horrible, ce jour à jamais épouvantable devait éclairer le triomphe de notre union. à peine commençait-il à paraître, qu' impatiente d' exécuter un projet que ma tendresse m' avait inspiré pendant la nuit, je courus à mes quipos, et, profitant du silence qui régnait encore dans le temple, je me hâtai de les nouer, dans l' espérance qu' avec leur secours je rendrais immortelle l' histoire de notre amour et de notre bonheur.
à mesure que je travaillais, l' entreprise me paraissait moins difficile ; de moment en moment cet amas innombrable de cordons devenait sous mes doigts une peinture fidèle de nos actions et de nos sentimens, comme il était autrefois l' interprète de nos pensées pendant les longs intervalles que nous passions sans nous voir.
Tout entière à mon occupation, j' oubliais le temps, lorsqu' un bruit confus réveilla mes esprits et fit tressaillir mon coeur.
Je crus que le moment heureux était arrivé, et que les cent portes s' ouvraient pour laisser un libre passage au soleil de mes jours ; je cachai précipitamment mes quipos sous un pan de ma robe, et je courus au-devant de tes pas.
Mais quel horrible spectacle s' offrit à mes yeux ! Jamais son souvenir affreux ne s' effacera de ma mémoire.
Les pavés du temple ensanglantés, l' image du soleil foulée aux pieds, des soldats furieux poursuivant nos vierges éperdues et massacrant tout ce qui s' opposait à leur passage ; nos mamas expirantes sous leurs coups, et dont les habits brûlaient encore du feu de leur tonnerre ; les gémissemens de l' épouvante, les cris de la fureur répandant de toutes parts l' horreur et l' effroi, m' ôtèrent jusqu' au sentiment.
Revenue à moi-même, je me trouvai, par un mouvement
naturel et presque involontaire, rangée derrière
l' autel, que je tenais embrassé. Là, immobile
de saisissement, je voyais passer ces barbares ;
la crainte d' être aperçue arrêtait jusqu' à
ma respiration.